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Interview de Liliana Bakayoko sur les neurodroits et les contrats internationaux pour Challenges, du 22 février 2024
LA THÉMATIQUE DES NEURODROITS S’IMPOSE À NOUS
Alors que Neuralink, la startup d’Elon Musk, vient de réaliser le premier implant cérébral permettant à une personne de contrôler une souris d’ordinateur par la pensée, la question des droits de l’homme liés à ces procédés entre dans le débat public. Liliana Bakayoko, avocate d’affaires et ex-enseignante en droit, nous éclaire sur les enjeux posés par ces nouvelles pratiques.
Les neurodroits sonnent comme un terme de science-fiction. Qu’est-ce que cela recouvre ?
Les neurodroits (du terme anglais « neurorights ») sont une nouvelle variété de droits de l’homme visant à la protection du cerveau et de l’esprit des êtres humains face au développement des neurotechnologies, de l’intelligence artificielle et des nanotechnologies. Aux USA et à travers le monde, des neuroscientifiques et de multiples organisations œuvrent depuis des années à leur élaboration. Je cherche à alerter le public en France sur ces sujets.
Les interfaces cerveau-ordinateur (ou interfaces neuronales directes) assurent une communication directe entre un cerveau et un dispositif externe (tel un ordinateur) dans le but de collecter et d’analyser des signaux du cerveau afin d’assister ou de restaurer des fonctions humaines cognitives ou des capacités d’action. Les potentiels bienfaits du mécanisme sont énormes : le processus pourrait permettre de traiter des maladies telles que la tétraplégie, la cécité, l’obésité, la schizophrénie, l’autisme, la dépression… Les risques soulignés par les neuroscientifiques incitent cependant à la prudence : utilisées à mauvais escient, les interfaces neuronales directes peuvent conduire à une perte d’identité personnelle, à des manipulations altérant le libre arbitre, à des piratages de cerveaux…Les principaux neurodroits que les spécialistes s’accordent devoir protéger incluent le droit à l’intimité mentale, le droit à l’identité personnelle et le droit au libre arbitre.
Est-ce que le cadre légal suit ces innovations ?
Pour le moment, dans la plupart des pays du monde, les neurodroits ne sont tout au plus qu’un projet normatif en développement. Les Nations Unies, l’Union Européenne et le Conseil de l’Europe, notamment, s’y intéressent de près. The Neurorights Foundation, aux USA, est une des organisations qui se situe à la pointe des efforts scientifiques au niveau mondial, en la matière. Le Chili est le premier pays au monde à avoir inscrit le droit à la neuroprotection dans sa Constitution.
Vous alertez également sur l’importance de la bonne rédaction des contrats dans le commerce international
De nombreuses entreprises considèrent que ne pas signer de contrats, cela préserve la liberté (quant à la négociation commerciale, à la facturation, etc.). En réalité, l’absence de conclusion de contrats les prive souvent de la liberté de choisir de manière sécurisée les devoirs qu’elles sont prêtes à assumer et ce qu’elles souhaitent obtenir en retour. Dans le domaine du commerce international, les difficultés que rencontrent les entreprises sont souvent dues à l’absence de contrat ou à la mauvaise rédaction des contrats signés.
Comment expliquez-vous ce désintérêt ?
Le désintérêt de certaines entreprises envers la formalisation des accords commerciaux est notamment lié à l’omniprésence du numérique dans nos vies quotidiennes et à la rapidité des échanges modernes. L’écrit détaillé et juridicisé donne l’impression d’être ringard, de n’être qu’une perte de temps. En réalité, le contrat est un acte de création et de liberté. Il protège les parties et leur permet de façonner leurs relations à venir à l’image de leurs souhaits.
Quels conseils donnez-vous ?
Les entreprises doivent veiller à formaliser leurs accords internationaux par écrit. Il convient de qualifier le contrat, d’identifier la partie adverse, de préciser les prestations (quant aux montants, aux délais d’exécution et à l’étendue des responsabilités) et de prévoir des modalités de terminaison. Il convient de choisir la loi applicable et la juridiction compétente ou de stipuler un arbitrage. En tant que professionnels du droit, nous conseillons nos clients durant ces phases constructives, et nous préférons cela à la gestion du contentieux.